« CE QUE JE FAIS… »
Ce que je fais, ca n’est pas un grillage, pas un tissu, non plus des chemins qui se croisent, juste des traits tracés à la main, avec la fragilité que cela suppose.
Cela ne ressemble à rien d’identifiable et je veux qu’on n’y reconnaisse rien.
C’est un espace de liberté.
Commencée en 2009, cette série que j’appelle « Possible » est l’essentiel de mon travail.
Le point de départ est une teinte et une matière, après vient le trait qui, d’une manière conquérante impose sa monochromie.
Il y a le trait et il y a la couleur. Un équilibre entre deux mondes, celui de recouvrir et celui de tracer.
Avec la ligne, c’est tout un système d’irrigation qui se met en place, l’irrégularité du trait le maintient en vie.
Avec la couleur, c’est une seconde peau qui recouvre la toile.
Je ne sais jamais ce que sera le tableau, il apparaît au fur et à mesure, et moi-même, je ne vois qu’à la fin.
Pola Carmen
Texte publié dans le catalogue « Possible » de Pola Carmen
François Barré
On traite souvent de la relation de la ligne et de la figure dans l’analyse de l’œuvre peinte.
Ici, ce sera la ligne qui deviendra figure.
Ce qui s’impose ce n’est pas un choix, c’est comme un courant vital.
Un territoire est couvert, tramé par de fragiles entrelacs, serrés, fuyant l’horizontal, portés par une main cheminant, croisant, révélant une sorte de grande figure aux traits d’une même couleur.
Ces lignes ne sont jamais séparatives.
Elles s’assemblent dans un labeur.
Le pastel gras donne au trait une densité et une couleur qui, faisant écho et jouant avec le fond monochrome (socle et profondeur tout à la fois) créent une unité, un ordre.
Le temps passe au travers de ces mailles.
Le recouvrement n’est jamais complet.
A chaque fois, une trouée (érosion, déchirement, effrangement ?) laisse une échappée libre dont on ne sait si elle marque l’origine où la fin.
Le monde est plus vaste que la toile, l’une répond à l’autre et s’en agrandit.
Deux traits qui se croisent peuvent amorcer un destin.
Nul ne saurait arrêter cette trace et ce passage.
Pola Carmen aime célébrer la rencontre essentielle des œuvres de Pierrette Bloch et d’Agnès Martin.
Elles enseignent la longue haleine et la solitude du coureur de fond.
Le souffle ne saurait manquer.
"Juste ça"
La peinture de Pola Carmen est rare et tardive. Comme les vendanges du même nom, elle porte en elle une surmaturité et un achèvement longtemps différé qui trouve aujourd’hui tout son éclat. Venue d’une enfance où les romans aimés par sa mère tenaient lieu de référent imaginaire, Pola, page à page découvre d’autres bibliothèques, pas à pas trace son chemin, s’engage du côté du théâtre puis du cinéma avant d’être happée par la peinture. A un certain moment d’une vie, soudainement, ce qui précède ne peut plus nourrir ni suffire. Ce qui s’impose alors n’est pas un choix , c’était comme un courant vital.
Depuis lors chaque toile marque une avancée comme si le temps accumulé précipitait l’advenue des choses. C’est tout de suite l’abstraction, « pour ne pas être enfermée dans la représentation ». Les premières toiles toujours tenues, les premiers collages, conduisent insensiblement à ce réseau de lignes qui marque un aboutissement, une manière qu’il faudra longtemps pénétrer. Une écriture se met en place et le mouvement des lignes vers une figureannonce les « Possible ». On traite souvent de la relation de la ligne et de la figure dans l’analyse de l’œuvre peinte. Ici ce sera la ligne qui deviendra figure. Un territoire est couvert, tramé par de fragiles entrelacs, serrés, fuyant l’horizontale, portés par une main cheminant, croisant, révélant une sorte de grande figure aux traits d’une même couleur. Ces lignes ne sont jamais séparatives. Elles s’assemblent dans un labeur. Le pastel gras donne au trait une densité et une couleur qui faisant écho et jouant avec le fond monochrome -socle et profondeur de champ tout à la fois- créent une unité, un ordre. Le temps passe au travers de ces mailles. Le recouvrement n’est jamais complet. A chaque fois, une trouée (érosion, déchirement, effrangement ?) laisse une échappée libre dont on ne sait si elle marque l’origine ou la fin. Le monde est plus vaste que la toile. L’une répond à l’autre et s’en agrandit. Deux traits qui se croisent peuvent amorcer un destin. Nul ne saurait arrêter cette trace et ce passage.
Pola Carmen aime à célébrer la rencontre essentielle des œuvres de Pierrette Bloch ou d’Agnès Martin. Elles enseignent la longue haleine et la solitude du coureur de fond. Le souffle ne saurait manquer. « Ce que je fais, -dit-elle- ça n'est pas un tissu, pas un grillage, non plus des chemins qui se croisent, juste des traits tracés à la main, avec la fragilité que cela suppose. Ça ne ressemble à rien d'identifiable, je veux qu'on n'y reconnaisse rien. C'est un espace de liberté où expérimenter le trait dans tous ses états »
« Juste ça »
François Barré