PATRICIA ERBELDING - L'ARBRE DE GOETHE
Mes dernières peintures tournent autour de l’arbre, de son ombre ou de sa disparition, de l’idée de l’arbre où d’un arbre en particulier comme cet « arbre de Goethe » aperçu sur une photographie, témoin de l’indiscible.
« Die Goethe Eiche », le chêne de Goethe appartient à la fois à l’Histoire et à la légende. Cet arbre mythique se trouvait près de Weimar dans la forêt d’Ettersberg où Goethe avait coutume de se promener, c’était son arbre favori.
Plus d’un siècle plus tard, c’est dans cette partie de la forêt que l’on abattit les arbres pour y construire le camp de concentration de Buchenwald. Le seul arbre que les Nazis épargnèrent fut ce chêne qui, à l’intérieur du camp, servait de potence.
Une prédiction circulait dans le camp de Buchenwald selon laquelle, si l’arbre venait à mourir, l’Allemagne perdrait la guerre. Lors d’un bombardement américain en juillet 1944, le chêne fut incendié, les nazis furent contraints de l’abattre mais ils conservèrent soigneusement la souche qui subsiste toujours.
Voici un témoignage, celui d’Henri Perrin dit "Cheval-vapeur", publié dans L’Espoir en 1945, Buchenwald et l’arbre de Goethe.
“Mais oublions un peu tous ces souvenirs de malheur. Au camp, une légende circulait et c'est elle qui nous a permis d'espérer et de vivre. Cette légende disait que l'arbre qui se trouvait dans une certaine partie de Buchenwald était l'arbre auprès duquel Gœthe aimait à se recueillir; et depuis toujours, les Allemands étaient persuadés que l'année qui suivrait la mort de l'arbre marquerait la destruction de l'Allemagne. Cet arbre servait de potence, à Buchenwald, pour pendre de nombreux détenus. L'année dernière l'arbre est mort ... “
Mes peintures n’apportent pas de réponse, elles questionnent, comme Vladimir Nabokov dans Pnin :
“In the beautifully wooded Grosser Ettersburg, as the region is resoundingly called. It is an hour's stroll from Weimar, where walked Goethe, Herder, Friedrich Schiller, Christoph Martin Wieland, the inimitable Kotzebue and others. 'Aber warum – but why –' Dr. Hagen, the gentlest of souls alive, would wail, 'why had one to put that horrid camp so near!' for indeed, it was near – only five miles from the cultural heart of Germany – 'that nation of universities' [...]"
Patricia Erbelding, janvier 2013